AFRIQUE – FRANCE : SE PARLER POUR REDÉFINIR LES BASES D’UN NOUVEAU DÉPART

Que l’on ne s’y méprenne pas, la rencontre de trois jours qui vient de s’achever à Johannesburg pour penser le futur entre l’Afrique et la France et plus globalement l’Europe se déroule dans un contexte bien particulier marqué par un sentiment anti français grandissant. Une réalité que ni les officiels français, ni les représentants africains ne nient. Quels arguments donc face à la fronde qui gronde? Se parler servira-t-il vraiment à quelque chose? Comment poser les bases d’un dialogue sincère?

L’Afrique du sud a donc accueilli du 6 au 8 octobre le premier forum « Notre futur : Dialogues Afrique Europe ». Le début d’une longue série de 9 forums qui vont s’étaler sur 3 ans et dont l’objectif affiché est le maintien d’un espace de conversation pour permettre de redéfinir les relations entre l’Afrique et la France et plus globalement l’Europe.

« Ecouter, apprendre, changer de regard et changer de méthode » 

D’entrée de jeu, la délégation de journalistes invités à Johannesburg sera reçue par Eva Nguyen Binh. La présidente de l’institut français va planter le décor et donner des éclaircissements sur la série de forums que l’institut français, le ministère des affaires étrangères de la France, l’Europe et ses partenaires africains vont organiser sur le continent pour les trois prochaines années. En compagnie des responsables de l’institut français d’Afrique du sud et des représentants de l’ambassade de France à Pretoria, Eva Nguyen Binh  fait savoir qu’il s’agit de mettre sur la table les sujets d’évolutions politiques, climatiques ou encore de genre. Il s’agit pour les différentes parties engagées de «faire ensemble quelque chose qui nous parle à tous », dit- elle. Eva Nguyen Binh met ensuite l’accent sur le besoin « d’écouter, apprendre, changer de regard et changer de méthode ».

La directrice des instituts français parle d’écouter ce qui se dit et voir quelle leçon en tirer pour redéfinir la relation avec l’Afrique. Mais pour y arriver, pense-t-elle, il va falloir se parler sereinement pour en tirer quelque chose de nouveau et de différent.

La main tendue de la France

Un point de vue que va soutenir Chrysoula Zacharopoulou la Secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux qui a fait le déplacement de Johannesburg. Chrysoula Zacharopoulou fait savoir qu’Emmanuel Macron est le premier président français à être allé aussi loin dans sa volonté de redéfinir les relations avec l’Afrique.

« C’est un changement qu’il porte et on vous tend la main. C’est aussi à vous de choisir si vous voulez notre main ou pas », a déclaré Chrysoula Zacharopoulou en répondant aux questions des journalistes.

Minimisant le constat de méfiance envers la France en Afrique, elle précise toutefois que c’est à la France de comprendre que le partenariat avec l’Afrique a changé. Finies les « visions-clichées ». Elle en appelle à une synergie de forces pour redonner un nouveau souffle à la relation entre l’Afrique et la France non plus basée sur l’influence mais sur le partenariat.

« Il n’y a pas d’autres voies hors du dialogue »

Achille Mbembe  a été interrogé sur l’utilité de tels forums et son choix très critiqué d’accompagner une telle initiative depuis le nouveau sommet Afrique France de Montpellier. Le philosophe et historien camerounais estime qu’ « il n y’a pas d’autres voies hors du dialogue ». Il proclame avec force la fin de la Françafrique en parlant d’un cadavre qui gît et fait savoir que « pour sortir de l’impasse actuelle, il faut dialoguer ».

« J’ai pris des risques de participer en étant confiant et je n’ai aucun doute sur ce en quoi je crois », a lancé Achille Mbembe avant d’appeler les Africains à faire preuve de courage.

Tout en rappelant tout le mal que la France a fait à l’Afrique à travers notamment sa participation à l’assassinat de nombreuses figures politiques africaines, il invite tout de même à saisir la main tendue pour un nouveau type de relation. Pour Achille Mbembe, un dialogue d’égal à égal est possible à condition de s’armer comme il faut face à l’interlocuteur.

  

Quelles conditions pour un nouveau départ ?

Les opposants à cette démarche pensent que la montagne va accoucher d’une souris. Dans les cercles d’intellectuels africains, les retours sont plutôt au scepticisme. Peu de gens croient en une démarche sincère de la France. D’aucuns estiment que les étapes sont brûlées. Peut-on restaurer la confiance sans aplanir les tensions d’antan, sans reconnaitre les torts causés à l’autre ? Sans réparation ? Là est toute la question. Une des recommandations d’Achille Mbembe contenue dans le rapport de 142 pages remis à Emmanuel Macron évoque la nécessité de «  tisser un nouveau narratif entre l’Afrique et la France » avec la création d’une commission composée d’historiens africains ou franco-africains avec pour mission d’écrire une « nouvelle histoire des relations entre l’Afrique et la France ».  Cela passe à notre humble avis par la reconnaissance des crimes et assassinats sur le continent, l’élaboration d’une stratégie de réparation, la fin du paternalisme, l’arrêt des politiques à géométrie variable en fonction des intérêts personnels de la France, la fin de l’immixtion directe dans les affaires africaines.

Interrogé par la BBC l’analyste politique ivoirien Sylvain Nguessan cite les controverses historiques liées à la colonisation en précisant que « Beaucoup d’entre nous sont les enfants de parents qui ont connu la période coloniale et ses humiliations ».

L’apaisement passe aussi par la prise de décisions fortes comme des actions fortes et concrètes sur les autres sujets qui fâchent : le FCFA, la présence militaire au Sahel et bien d’autres. Le dialogue OUI. Les bases préalables pour une conversation sincère pourraient grandement décrisper l’ambiance.

Source: TéléAsu.tv

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