L’URGENCE D’UNE CEMAC FORTE ET SOLIDAIRE…

Aux yeux des experts, la CEMAC présente le niveau d’intégration le plus en retard comparé aux autres espaces de même nature fonctionnels sur le continent africain. Un véritable paradoxe au regard de son potentiel, de ses ressources naturelles et de la proximité géographique, linguistique, socioculturelle et économique de ses entités.

Dans la foulée du conseil extraordinaire des ministres de l’UEAC et de la 14e session ordinaire du comité de pilotage du programme des réformes économiques et financières de la CEMAC tenus respectivement les 10 et 12 Aout à Douala, le Cameroun accueille le 18 Aout 2021 à Yaoundé un sommet des chefs d’Etat des pays membres de cette communauté sous régionale. Un nouveau sommet qui porte les inquiétudes des effets néfastes de la crise sanitaire mondiale, mais qui rappelle à plus d’un titre l’urgence qu’il y a de faire de la CEMAC un espace communautaire fort de son potentiel et surtout solidaire.

Au lendemain des travaux des institutions spécialisées qui précèdent le sommet du 18 Aout de Yaoundé, il ressort clairement que la CEMAC cherche un souffle nouveau pour remettre son économie sur les rails de la croissance après le triple choc sanitaire, économique et sécuritaire consécutif à la COVID 19.   En lieu et place d’une prévision de croissance de 3,3%, l’espace communautaire replonge dans la récession à -1,7 % en 2020.   Une situation certes dépendante du contexte de pandémie mondiale en cours, mais qui accentue d’avantage la fragilité des équilibres macro-économiques de la sous-région.

La CEMAC en Afrique

LA CEMAC en Afrique est à l’image d’un géant aux pieds d’argile si on s’en tient à ses richesses humaines et naturelles.  Du fait de ses réserves en hydrocarbures et de la réserve forestière équatoriale qu’elle abrite en grande partie, l’espace géographique de la CEMAC se nourrit d’une diversité climatique et minière à laquelle il faut associer le dynamisme et la résilience de ses populations. Établi sur 3 020 353 km² au cœur du continent africain cet ensemble peine cependant à faire de son union une véritable force économique et de croissance.

Un marché potentiel de 500 millions d’habitants sur les dix prochaines années

Cet espace qui regroupe en son sein le Cameroun, le Gabon, le Congo la Guinée Equatoriale, la RCA et le Tchad concentre un marché potentiel intracommunautaire de plus de 50 millions d’habitants extensible à 500 millions sur la décennie au regard des débouchés sur le Nigéria et la RDC. Ce potentiel reste jusqu’ici un simple élément de statistique et d’analyse prévisionnelle.  Avec à peine 1,4 % en moyenne d’échanges entre pays de la communauté, ce potentiel peine à être exploiter au profit d’un marché unique, gage de l’équilibre et de la croissance macro-économique de la sous-région. Au contraire, la Communauté affiche une balance commerciale largement déficitaire constitués à 90% d’exportation d’hydrocarbures.

  Implémentée à dose homéopathique et engluée dans des replis et égos réguliers qui ont plombés l’efficacité des institutions de la sous-région, l’intégration se vit au ralenti.   La libre circulation des biens et des personnes toujours annoncées reste un vœu pieux malgré l’engagement formel de tous les états membres en 2017.  

Cette marche à la traine fait dire à certains analystes que la CEMAC crée en 1994 surfe sur les cendres de l’Union Douanière Equatoriale (UDE) en 1959 et de l’Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale (UDEAC) en 1964, n’arrivant pas à s’émanciper du moule conçu par la France pendant la colonisation et à l’aube des années d’indépendances.  Faudrait-il pour autant imaginer une CEMAC incapable de réorienter son cap pour l’intérêt de ses populations et des échanges intracommunautaires véritables et bénéfiques aux pays membres ? Bien plus une CEMAC capables de faire face aux chocs que lui imposent régulièrement l’environnement mondial.

Une économie à diversifier.

L’un des challenges pour la CEMAC aujourd’hui est incontestablement la diversification de son économie. Malgré son réel potentiel agro pastoral et hydrolique, la majeure partie de ses recettes est issue de l’exploitation des ressources pétrolières et minières. Lesquelles ressources rendent sont économie vulnérable aux fluctuations exogènes et ne contribue pas suffisamment à l’équilibre de sa balance commerciale. 

Principal secteur de l’économie, l’agriculture emploi 64% de la force vive de la sous-région et contribue à 25% du PIB.   Ce secteur bénéficie de l’abondance de terre arable, mais souffre d’une absence d’investissement avec comme conséquence la ruée vers les zones urbaines et l’abandon de cet important vivier.

La sous-région est aussi attendue sur le chantier de l’industrialisation et de la mécanisation de son secteur agropastoral pour booster sa production et être en capacité de satisfaire la demande communautaire et de prospecter d’autres marchés qui lui tendent les bras.

La diversification des investissements apparait donc comme une clé essentielle de la consolidation de la santé économique des pays de la CEMAC.

Une commission à pied d’œuvre, des reformes à consolider…

 Même s’il est évident que l’ombre de la puissance colonisatrice plane sur le fonctionnement de la commission de la CEMAC et de ses institutions spécialisées, on peut néanmoins remarquer une volonté affichée de la conférence de chefs d’Etat à réorganiser le fonctionnement de la Commission. 

 Depuis 2010, des réformes fondamentales et des programmes spécifiques sont mis en œuvre pour faire face aux chocs exogènes et accélérer l’intégration sous régionale.

Dans la dynamique de ses réformes, on peut noter la mise sur pied du Programme de Réforme Economique et Financière de la CEMAC (PREF CEMAC). Initié sous la présidence du Congolais Pierre Moussa et qui connait aujourd’hui un véritable dynamisme sous l’impulsion de Daniel Ona Ondo président en exercice de la commission.  

L’impact sur le redressement des économies locales pendant la période 2017-2020 est perceptible. On peut citer entre autres, l’amélioration de la qualité de la dépense publique dans les Etats, l’élargissement de l’assiette fiscale, la reconstitution du niveau des réserves de change, le dialogue avec les principales sociétés exploitant les ressources naturelles dans la zone CEMAC en vue du rapatriement des recettes d’exportation, la fusion effective des deux marchés financiers de la sous-région, l’application des programmes économiques et financiers soutenus par le FMI pour les pays de la sous-région.  Autant de mesures qui ont permis de repousser le spectre d’une nouvelle dévaluation et remis au gout du jour la question de la monnaie.

On est certes loin de l’idéal souhaité pour un fonctionnement efficace et productif de la commission de la CEMAC, mais l’exemple du PREF CEMAC et des projets intégrateurs qui ont pu mobiliser près de 2500 milliards de F CFA lors du salon de Paris en novembre 2020, sont un exemple de la possible matérialisation de la vision communautaire dans l’espace CEMAC. La survie économique des états membres en est fortement dépendante.

L’autre clé et pas la moindre dans cette urgence d’une CEMAC forte et solidaire réside également dans l’éducation des masses à l’esprit communautaire.  Cette option appelle au discours sincère, à plus d’actes concrets en lieu et place des slogans et alliances de circonstances.  A plus d’un titre la conférence de chefs d’Etats, les institutions en tête des desquelles la commission de la CEMAC sont attendus comme un maçon au pied du mur…

Patrick Christian NDOBO

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